Lettre à Canadien

Cher Canadien,

De près ou de loin, je t’observe en scandant ton nom. Tantôt tu gagnes, tantôt tu perds, mais, depuis toujours, je t’encourage dans la victoire ou la défaite. Canadien, ton chandail fut porté par tant de légendes, la coupe Stanley, tes bras l’ont soulevée maintes et maintes fois, mais, aujourd’hui, ton coeur devra tout donner. Les bâtons ne sont peut-être plus ce qu’ils étaient jadis ; plus hauts ou moins solides, ils blessent et ils brisent, mais tu dois reprendre ton destin entre tes gants et te ressaisir rapidement. Canadien, tu as affronté Caroline en champion, en équipe unie. Te souviens-tu de ce premier voyage en Caroline qui a mis deux grosses victoires dans ta valise éliminatoire ? te rappelles-tu ces pointages, 6 à 1 et 6 à 5 ? Moi, j’essaie très fort, parce que, depuis cette dernière joute victorieuse, la chimie a changé et le vent a fait virevolter le précieux « momentum ». Canadien, tu ne joues plus avec la même conviction, la confiance s’est envolée et tu te contentes maintenant de ton sort, déçu.

Canadien, tes jeux cafouillent, tes passes tremblent, et le cordage de l’adversaire ne vibre plus devant tes lancers télégraphiés. Tes dégagements ne se font plus avec la même finesse, tu les envoies trop souvent en souvenir aux partisans, tu ne vas plus les récupérer avec la même vitesse. Canadien, tes punitions n’étaient pas toujours méritées, mais, toi aussi, tu as eu l’avantage de la glace et, ta chance, tu ne l’as pas saisie. As-tu observé comment Caroline se sert de son derrière pour masquer Cristobal ? Canadien, lorsque tu es placé timidement devant le but de l’adversaire, le jeune gardien qui ridiculise tes lancers peut s’avancer et voir la rondelle circuler. Je te connais Canadien, tu vas me répondre que c’est plus facile à dire qu’à faire. Assis dans ma chaise pliante que j’ai achetée pour le défilé, je peux bien parler et chialer, mais ce n’est pas moi qui affronte la talentueuse Caroline. Or, Canadien, tu dois te forcer. Tu as un gardien plus expérimenté en séries éliminatoires que ton adversaire, tu as tes partisans qui, je l’espère, t’encourageront euphoriquement. Canadien, tu n’es peut-être pas le meilleur, mais, lorsque la chance t’unit, tu es un des bons, et ne l’oublie jamais.

Canadien, je t’écris pour te conseiller de miser dès le début de la joute sur un beau « garbage goal ». Il y avait une époque où tu les enfilais si facilement. Le jeune Cam Ward a la mitaine agile, mais la confiance fragile. Tu dois le déconcentrer, l’intimider et, surtout, le déjouer. Canadien, pour le moment, il ne reste qu’une joute à ton calendrier, et, ce soir, tu as la chance de pouvoir y ajouter un dernier duel. Choisis tes meilleurs bâtons, aiguise bien tes patins, enfile ton bel habit tricolore et mystifie les plus sceptiques.

Dernièrement, je m’inspire de Pierre Dagenais, et je prie le p’tit Jésus. Canadien, tu auras la chance et le p’tit Jésus avec toi. Et rappelle-toi les trois « P ». D’ailleurs, si j’étais à votre place, je l’écrirais au tableau. Je te réécris demain pour te donner mes commentaires, bonne chance.