Une série sous le signe du physique

Au commencement, cette première contribution, candidate au Pulitzer avant même que d’être écrite, devait s’intituler « Nordiques en 3 ». Parfaitement monsieur. C’était bien mieux dans le temps, il y avait du hockey typique de la division Adams, on acceptait d’aller à Hartford un dimanche soir et Canadien choisissait pas un adversaire qu’il gagne tout le temps contre, non non non. Le monde sortait pas des petits drapeaux et montait pas sur son char en avant du Forum qui était pas encore Petsi juste parce que Canadien fait les séries. En bas de la Stanley, y avait rien. On appelait pas Ron pour lui dire que deux rondes, c’est toujours ça. C’était pas Le Hockey Molson présenté par Sports Experts à La Cage aux Sports du Centre Bell Téléphone, juste La Soirée du hockey.

Bon. Une série entre Canadien et le Boston, c’est quand même toujours du stock, et on ne sait jamais. Étiez-vous là en 2002, ou occupés à relever les défis posés par le nouveau millénaire ? En 2002, le Boston avait fini premier dans l’Est, et Canadien s’était faufilé dans le détail par la petite porte d’en arrière qui grince et qui n’est pas surveillée la nuit. Or qu’est-ce qui est arrivé ? Je ne vous le fais pas dire. Deux semaines plus tard, le gros Thornton avait fini avec zéro point et c’était bonjour Caroline. De là à dire que, il n’y a qu’un coup de patin, et il est meilleur que celui de Dennis Wideman. (Vous l’avez vu, Wideman ? Pour un grand moment dans l’histoire du barrage de tirs, visualisez ici)

Le Boston a cependant un gros problème : son mental. Quand vous perdez huit matchs sur huit contre un club qui aurait fait moins de points que vous s’il n’avait pas joué contre vous, c’est le genre de choses qui arrive : vous vous mettez à broyer du noir et jaune, vous jouez la tête basse, vous patinez sur la bottine et vous hallucinez à tel point que vous vous persuadez que Carey Price a fait faire ses jambières à la même place que Marc-André Fleury. Et ça, ce n’est pas recommandé. Dans les séries, il faut avoir le mental raide comme une pente à remonter quand on est à 0-3. C’est pas gratis, la Stanley, non monsieur.

Canadien, en revanche, vous devriez lui voir l’imaginaire collectif. Les bras sont peut-être meurtris, mais l’âme, elle, est de non mais quelle authentique beauté. On dirait Jean Pagé.

Aussi, pour ces raisons, il faut s’attendre à ce que le Boston essaie toutes sortes d’affaires pour se changer les idées. Notamment, pratiquer un style robuste, genre mouchage du gros trio rival dans les coins mais le tout discipliné avec pas de pénalitions stupides, c’est ce qu’ils ont dit à la radio tout à l’heure. Selon des sources, il n’y a en effet rien pour corriger un mental en désordre comme jouer physique. C’est logique. Je pense qu’on appelle cela de la sublimation procurative, mais je ne suis pas certain.

Mais là, j’espère que ça ne sera pas juste du taponnage après le sifflet qui ne donne jamais rien. Si les ti-gars ont du guts, ils vont faire comme dans le bon vieux temps et faire dégénérer la situation en bataille générale. En langage de hockey, on appelle cela « préparer le prochain match ».
Et puis, ah oui, Nordiques en 3.