Le Sportnographe chez l’Habitant

Maintenant que le Sportnographe Sports 24h Express n’a plus comme concurrents que deux ou trois stations uniquement consacrées au sport, il est en notre devoir d’aller au fond de la nouvelle, d’enquêter sur les grands enjeux du monde de Canadien, et d’aller voir le petit peuple dans son état naturel. Comme nous avons déjà réalisé haut la main les deux premiers devoirs, ne nous restait plus qu’à aller observer le partisan dans son état naturel : le sous-sol de banlieue.

En arrivant chez Sylvain à Bois-Des-Filion, après deux heures d’autobus, on est surpris par le moyen pris par le jeune homme pour se distinguer de ses collègues super-partisans : Sylvain n’a pas deux, mais trois fanions sur sa Civic. Déjà, on sent que nous passerons une soirée excitante.

Pour l’occasion, Sylvain a invité ses amis et fait l’épicerie : « Quand j’ai su que Sportnographe débarquait chez nous, je me suis dit, tabarnouche, va me falloir du pop corn à saveur simulée de maïs soufflé ! ». Le début du match surprend Jocelyn, ami d’enfance de Sylvain : « eille le gros, ça commence, y’avait pas de golf finalement ». Déçu d’avoir manqué l’hymne national, et après que sa copine Manon lui eût apporté une bière, Sylvain demande les prédictions sur le résultat de la rencontre à tout le monde, et s’appuie lui-même sur des facteurs scientifiques comme les impondérables et l’expérience en séries pour établir que Canadien va l’emporter 4-2 grâce à deux buts de Michael Ryder (il réalisera seulement en deuxième période que Ryder ne joue pas).

Les murs du sous-sol vibrent résolument au son de la télévision HD payable en 48 versements et aux cris des invités qui disent prendre pour Canadien parce qu’ils ont toujours pris pour Canadien. Et il faut admettre que ce sont des connaisseurs. Quand Yvon Pedneault explique avec son petit crayon que Markov a lancé la rondelle dans le coin, Jocelyn rappelle à l’endroit de ses amis que lui aussi avait remarqué que Markov avait lancé la rondelle dans le coin.

On se surprend qu’en début de deuxième période, les huées à l’endroit de Zdeno Chara se fasse encore entendre, surtout que Boston, c’est loin. Certains amateurs restent toutefois objectifs et se permettent de critiquer leur équipe : « Brisebois, va donc scier du bois » s’exclame un des convives qui criera pourtant, 17 minutes plus tard « Brisebois, Brisebois, Brisebois ! », après que ce dernier eut enfilé un filet.

À la fin du match, après avoir comparé Carey Price à Patrick Roy, avoir oublié de revenir sur leurs prédictions, et avoir statué que ça sentait la coupe, les comparses calent leurs dernières bières, se tapent dans les mains et reprennent le volant persuadés qu’ils seront en mesure de maîtriser leur SUV. On entend encore l’écho de leurs klaxons qui se déchaînent dans la nuit noire d’une ville hockey.